Texte : Anne-Louise Trividic et Pierre Chosson, « mixés » par Maud Ameline, Julie Peyr et Cyril Brody
Un jour d’hiver 2017, un groupe d’une vingtaine de personnes s’est réuni au premier étage d’un café parisien, traversé par des élans d’enthousiasme et de joie fraternelle très forte mais aussi animé par une grande combativité. Nous devions faire quelque chose pour nous. Nous étions tous scénaristes de cinéma, ou scénaristes de cinéma et de télévision. Et nous pensions la même chose : ça suffisait.
Devoir toujours expliquer en quoi consiste notre travail, notre position vis-vis d’un réalisateur ou d’une réalisatrice, préciser notre statut social que tout le monde ignore, batailler pour que les débuts d’écriture ne soient pas payés d’une simple aumône, batailler aussi pour une place digne de notre travail au générique, ou dans les dossiers de presse.
Il fallait que ce flou néfaste cesse car les plus belles énergies se trouvaient régulièrement entamées. Nous avions tous des anecdotes éprouvantes à partager (et nous en avons ri souvent) mais simultanément beaucoup d’histoires d’alliance, de succès, de communions frappantes dans le travail qui nous portaient et nous engageaient à poursuivre.
Bref. Nous étions heureux et chagrinés. Les deux ensemble. Il fallait faire en sorte d’être heureux seulement.
Il y avait du travail.
Le groupe qui s’est constitué là s’est mis à la tâche. D’autres scénaristes l’ont rejoint, qui ont trouvé dans l’association SCA-Scénaristes de Cinéma Associés, un lieu ouvert, où les convictions peuvent être fortes mais où elles s’affirment sans dogmatisme et dans l’écoute.
Ce qui nous rassemble au SCA, ce n’est pas simplement notre statut de scénariste, c'est aussi et surtout, une conception de notre métier, plutôt collaborative. Nous croyons à la coécriture et d’expérience, nous savons qu’écrire avec et pour quelqu’un constitue un engagement fort au même titre que produire un film. C’est pourquoi dès le début nous avons eu à cœur de défendre ce triangle : Ecriture – Réalisation – Production, non comme des étapes successives mais comme partenariat fondateur essentiel.
Ce que nous avons en commun également, c’est une certaine "idée" des enjeux du scénario. Car si le rôle du scénariste est trop souvent sous-estimé, le scénario, lui, régulièrement ramené de manière démesurée à la seule histoire qu'il raconte, pèse de plus en plus, de manière déterminante, dans le financement des films, sous cet angle uniquement. La vogue des adaptations littéraires qui se multiplient en est un signe.
Pour nous, au SCA, la mise en scène est une écriture, et le scénario le premier geste de cette écriture. Ecrire un scénario, c'est écrire bien autre chose qu'une histoire destinée à être filmée. Il s'agit d'écrire un film, qu'il soit grand public, d'auteur, de genre ou de recherche. En ce sens, écrire un scénario est un art généreux car, tout en insufflant, esquissant, il est appelé à se dissoudre dans le film terminé. C'est aussi au nom de la défense de cette conception du scénario que le SCA nous rassemble.
Dès le départ, et sans que cela cesse depuis, des membres du SCA se sont mis au travail. Il faut dire que les interrogations sur notre statut, les sujets d’inquiétude, aussi, sont nombreux. On pourrait presque dire qu’à chaque question posée, individuellement et collectivement, les membres volontaires du SCA ont cherché à y répondre, en articulant enquêtes et propositions. Avec un principe fondateur : nous sommes les mieux placés, nous qui les vivons de l’intérieur, pour pointer les atouts et les failles de l’écosystème de notre métier, pour démonter les idées reçues et accréditer nos propositions par l’exemple et l’analyse, pour faire évoluer nos conditions de travail autant que la considération du scénariste et du scénario. Sans les fragiliser ni nous retenir d’inventer.
Nous avons, de cette façon, ouvert des dossiers décisifs, des combats importants ont été engagés, le principal étant les négociations interprofessionnelles sur l’encadrement de la rémunération de l’écriture, suite aux Journées du Scénario de 2019 du SCA, réunissant toutes les parties prenantes du cinéma indépendant.
La reconnaissance du travail de consultation comme relevant des activités principales des auteurs au même titre que l’écriture, a été acquise.
Le SCA a également conçu et publié un livre Scénaristes de cinéma, un autoportrait, fruit d’une enquête fournie, établissant un état des lieux inédit du métier.
Les nombreuses tables-rondes que nous organisons exposent nos réflexions et alimentent les débats. L’importance du travail des scénaristes dans les adaptations cinématographiques, a ainsi été détaillée et reconnue. Les conditions d’entrée dans le métier ou la spécificité de l’écriture du documentaire ont également été investiguées et commentées.
En interne le SCA a mis en place un dispositif marrainage-parrainage entre auteurs « entrants » et auteurs confirmés qui favorise la transmission et les échanges sur le métier pour une meilleure connaissance des droits et pratiques.
Intérieur nuit, rencontre autour de la projection d’un film avec la, le, ou les scénaristes qui l’ont écrit, rythme l’année. Ce cinéclub s’ajoute aux nombreux entretiens avec des scénaristes que le SCA organise pour faire connaître les carrières, la pluralité des expériences et des écritures, plutôt que l’hypothèse d’une méthode ou d’une technique.
Nous défendons également la liberté de création, par nos statuts, comme celle, fondamentale, du droit d’auteur.
En 2025, toutes les générations se rejoignent au SCA, quelques-uns d’entre nous écrivent depuis près de 30 ans ou plus, d’autres depuis 3 ans, ou moins encore, et nous avançons ensemble. C’est précisément cette variété, la richesse de ce paysage humain, qui fait la force du SCA, la solidité de nos actions et de nos engagements. 280 scénaristes, plus de 200 films sortis en salles depuis 2018, Lion d’or, Grand Prix à Cannes, César du scénario, Prix Louis-Delluc, Prix Jean Vigo, Valois du Scénario, Grand Prix du Scénario, etc… : en 8 ans seulement, le SCA s’est affirmé comme un élément à part entière du paysage cinématographique, constructif, investi et engagé. Plus que jamais, nous avons à cœur de continuer et de le faire savoir.